Kinshasa, la capitale offre un décor infernal: Kuluna, embouteillages, insalubrité, nids-de-poule, incivisme… attendent le futur locataire de l’Hôtel de Ville

Par reporter.cd

«O tempora o mores!», « Autres temps, autres mœurs », disait Marcus Tullius Cicero dans son œuvre « Les Catilinaires ».

Kinshasa des années 60, 70, 80, 90, 2000 voire 2003 n’existe plus. Elle ne reste qu’un souvenir lointain. Hier Kin la belle, appelée avec fierté «Poto moyîdo» dans laquelle les Kinois respiraient de l’air frais, aujourd’hui «Kin la poubelle» avec des odeurs nauséabondes. Suffocantes même. Embouteillages, kuluna, insalubrité, incivisme, nids de poules, inondations et autres promiscuités, constituent le vrai décor de la ville de Kinshasa. Aucune commune n’est épargnée de ces maux qui rongent la capitale RD-congolaise.

Kinshasa ressemble à une ville ingouvernable, délaissée à son triste sort. Oui. La capitale est sans boussole. D’où cette image crasseuse, apocalyptique, infernale…

Embouteillages. Ce vocabulaire prend corps depuis et donne des insomnies aux Kinois qui ne savent plus à quel saint se vouer. Se rendre d’un coin à un autre devient aujourd’hui un calvaire dans la ville.

Les boulevards Lumumba, du 30 juin, Triomphal et Sendwe, les avenues Ex-24 novembre, des Huileries, Poids lourds, By Pass, Colonel Mondjiba, Victoire, Université, Ex-Flambeau sont le théâtre d’interminables bouchons. Aucune d’elles n’est épargnée. Du côté des autorités, personne ne s’y intéresse. Même pas la police de circulation routière.

Face à cette situation, les Kinois font, malgré eux, le marathon. Etant donné que ces embouteillages créent la rareté des taxis, taxis-bus et bus de transport en commun, les populations n’ont que leurs bouches pour murmurer.

Kuluna. Voici un autre fait social devenu phénoménal à Kinshasa. Décrié tous les jours et dans tous les quartiers de la ville, ce banditisme urbain plonge la capitale dans une insécurité criante. Des simples mendiants sur les artères de la ville, ils sont devenus de véritables meurtriers. Dieu seul sait le nombre des kinois qu’ils ont envoyés dans l’au-delà.
Il ne se passe pas un seul jour sans qu’on déplore des actes d’insécurité dont les kuluna sont auteurs. Et depuis, les autorités policières n’arrivent pas à mettre en place une politique capable de mater ces hors-la-loi opérant avec des armes blanches. Inutile de parler de la délinquance juvénile tant les autorités paraissent fatiguées face à la présence des mineurs dans la rue et autres endroits inappropriées et à des heures indues. «Mboka ya bana na bana», entend-on dire.

Insalubrité. La ville de Kinshasa présente aujourd’hui un décor désolant et humiliant. Les montagnes d’immondices sont presque visibles sur toutes les artères de la ville. Surtout dans les ronds-points et autres points chauds. Il est difficile de franchir 100 pas sans percevoir des ordures qui vous saluent avec leurs odeurs nauséabondes. Le ramassage des ordures et l’assainissement public constituent des défis majeurs, avec des poubelles inexistantes, sinon débordantes.

Comportement incivique. Il est également important d’avouer que les comportements inciviques des Kinois contribuent à l’insalubrité et au désordre dans la ville.

Abandonner les véhicules en panne, uriner et fréquenter des lieux publics, déverser des eaux usées, cracher dans les rues et jeter des déchets sur la voie publique comme rouler à contresens ou multiplier les bandes de circulation sont malheureusement des pratiques courantes pour les habitants de la ville de Kinshasa. Oeuvre des églises de réveil et des pubs ouverts 24h sur 24, pollution diurne et sonore complètent la cacophonie.

Celles du rond-point Victoire mettent les passants en face des filles, peu importe l’âge, de plaisir, forcées d’opérer même en plein jour, question d’assurer la survie.

Nids de poules. Kinshasa zéro trou compte aujourd’hui plus de mille trous. Les avenues Wangata, Université, Victoire, Huileries, Colonel Ebeya, Tombalbay, Ex 24 novembre, Kasa-Vubu, By Pass, Pelende, Kabinda, Kabambare, Niangwe, Ex Bokasa peuvent compter plus de mille trous. Et la liste n’est pas exhaustive. Cette situation complique la fluidité de la circulation. À cela s’ajoutent les routes délabrées et laissées à l’abandon.

Le cas, ces dernières semaines, de l’avenue du Tourisme, dont les usagers souffrent les martyres et perdent environ quatre heures pour gagner le centre-ville.

Un cliché rendu davantage hideux après les pluies dont les eaux inondent des quartiers entiers à cause, entre autres, des constructions anarchiques. Tout le monde est inquiet et se demande ce qu’il en serait dans les prochains jours avec les pluies excédentaires annoncées par les services chargés de surveiller la météo.

Le phénomène Wewa. L’autre fait révoltant reste l’incivisme des motards communément appelés -Wewa.

Le comportement des motocyclistes dépasse tout entendement. Sur la chaussée, ils se comportent comme ils veulent au point de recourir très souvent au sens unique créant ainsi des accidents impromptus. Ils n’hésitent pas à se faire justice sous l’œil complaisant ou inactif des forces de l’ordre.

Sans boussole, la ville de Kinshasa est exposée à ces maux qui dérangent quotidiennement des habitants. Tout cela porte à croire que le futur locataire de l’Hôtel de ville aura du pain sur la planche surtout qu’il va trouver une ville qui se meurt.

Il est essentiel de souligner que le nettoyage de l’ex-Léopoldville a fait partie des promesses du gouverneur sortant Gentiny Ngobila. Cependant, il est désormais évident que ces promesses ont été vaines et que, «Kin Bopeto», le projet lancé pour les matérialiser, a fait flop. L’échec du leadership local à maintenir la propreté et la sécurité dans la capitale est symptomatique d’un problème plus large de gouvernance et de hiérarchisation des priorités. Une ville sale et en difficulté insécurité ne saurait jamais être un fait isolé… C’est plutôt une des conséquences de la mauvaise gestion et de la corruption.

À Kinshasa, dirigeants et administrés se familiarisent avec la saleté et le délabrement des quartiers, oubliant que cela ne constitue pas seulement une question d’esthétique, mais aussi et surtout une question de santé publique, de qualité de vie et de respect de l’environnement.

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