Maladie du sommeil : le voyage d’une femme «désespérée» à Kananga

Par Pierre Kabakila

Dans un monde où les maladies sont souvent entourées de mystère et de mécompréhension, l’histoire d’Hélène se distingue par sa profondeur et son humanité. Cette femme, confrontée à la maladie du sommeil, nous entraîne dans son parcours semé d’embûches, illustrant les défis physiques, émotionnels et sociaux qu’elle a dû surmonter. Alors qu’elle partage son expérience, nous découvrons également les paroles réconfortantes du Docteur, qui, en tant que guide et soutien, a su éclairer son chemin vers la guérison. Ensemble, ils nous rappellent l’importance cruciale de la sensibilisation et de l’accès aux soins médicaux, tout en brisant les tabous qui entourent cette maladie souvent mal comprise.

Hélène, une paysanne de Munkamba, un village paisible du Kasaï-Central, avait toujours mené une vie simple, rythmée par les saisons et le travail dans les champs. À 56 ans, elle était la fière mère de cinq enfants – deux garçons et trois filles – qui l’adoraient et à qui elle avait transmis ses valeurs de courage et de résilience. Un jour, alors qu’elle travaillait dans son champ, une fatigue inexplicable l’envahit. Ses jambes semblaient lourdes, et un malaise sourd l’écrasa. « Je ne me suis jamais sentie aussi faible », pensa-t-elle, réalisant avec désespoir qu’elle ne pouvait plus continuer à travailler.

Espérant que quelques heures de sommeil suffiraient à la remettre sur pied, Hélène rentra chez elle. Mais les jours passèrent, et la maladie ne fit qu’empirer. Elle souffrait de troubles du sommeil, de douleurs articulaires, et une somnolence pesante l’envahissait même en plein jour. « C’est comme si je devais dormir en permanence », se plaignait-elle à ses voisines, qui commençaient à s’inquiéter pour elle. Les regards inquiets de ses enfants, pleins d’amour et d’angoisse, la tourmentaient.

Les remèdes traditionnels que ses amies lui apportaient ne soulageaient pas ses symptômes. Au contraire, Hélène se sentait de plus en plus isolée, et des murmures commençaient à circuler dans le village. Certains pensaient qu’elle était victime d’un mauvais esprit, ou même de sorcellerie. « Ils disaient que je dormais autant parce que je communiquais avec les esprits », se souvient-elle, le cœur lourd de ces accusations.

Face à l’incapacité des remèdes locaux à la guérir, il fut décidé de l’emmener à l’hôpital de Kananga, le chef-lieu de la province. Le voyage fut long et éprouvant pour Hélène, déjà affaiblie par la maladie. En arrivant, elle fut examinée par un médecin, qui, après quelques tests, posa un diagnostic inquiétant : Hélène souffrait de la maladie du sommeil. « La maladie du sommeil ? Mais c’est impossible ! », s’exclama-t-elle, incrédule et terrifiée à l’idée que sa vie puisse basculer.

Hospitalisée, Hélène subit un traitement lourd et éprouvant. « Je me sens si faible, si loin de chez moi », murmurait-elle, les larmes aux yeux, tandis que les souvenirs de sa vie à Munkamba lui revenaient en mémoire. Les nuits étaient longues et agitées, hantées par des rêves étranges et des cauchemars. « C’est comme si je vivais un cauchemar éveillée », confiait-elle à une infirmière compatissante, qui lui tenait la main pour la réconforter.

Contre toute attente, le traitement finit par porter ses fruits. Guérie, Hélène hésita à retourner à Munkamba. Les accusations de sorcellerie l’avaient profondément marquée. « Je ne voulais plus revivre ces moments de doute et de rejet », expliquait-elle, le regard triste. Elle décida alors de rester à Kananga, où elle trouva un petit emploi et commença à reconstruire sa vie, avec la force de l’espoir.

Avec courage et détermination, Hélène fit venir sa famille à Kananga. Ses enfants la rejoignirent avec enthousiasme, mais son mari choisit de rester à Munkamba pour continuer ses activités champêtres. « Ça fait déjà un an que je suis guérie », affirmait-elle avec un sourire rayonnant, bien que son cœur fût partagé. « Au début, c’était difficile de s’adapter à la vie en ville, mais je suis heureuse d’avoir pu tourner la page. »

Aujourd’hui, Hélène a retrouvé le goût de vivre et espère pouvoir un jour aider d’autres personnes atteintes de la maladie du sommeil. Elle se souvient des épreuves traversées avec gratitude, et se projette vers un avenir où elle pourra partager son expérience et apporter du soutien à ceux qui en ont besoin. Sa résilience est devenue une source d’inspiration pour sa famille et tous ceux qui croisent sa route à Kananga.

Diagnostic et sensibilisation

Dans une interview accordée à la rédaction de REPORTER.CD, le docteur Prosper Tshiakushiya définit la maladie du sommeil comme une affection parasitaire causée par un protozoaire, la trypanosomiase, transmise par la mouche tsé-tsé, connue sous le nom de Glossina. Cette mouche joue un rôle crucial en transmettant le trypanosome à l’organisme humain, entraînant ainsi ce qu’on appelle la maladie du sommeil.

Pour déterminer si une personne est affectée par cette maladie, le docteur Tshiakushiya souligne qu’il existe plusieurs signes, classés en deux phases : la phase de généralisation et la phase cérébrale. Dans la phase de généralisation, quatre signes essentiels sont identifiés : une fièvre irrégulière, des céphalées accompagnées d’arthralgies, des ganglions lymphatiques enflés, et des éruptions cutanées appelées trypanyde.

À mesure que la maladie progresse vers la phase cérébrale, des signes plus graves apparaissent. Les patients peuvent souffrir de troubles de la vigilance, d’hyperinsomnie, et à un stade avancé, des troubles psychiatriques peuvent survenir, entraînant des hallucinations et des comportements erronés.

Le docteur Tshiakushiya insiste sur l’importance de consulter un professionnel de santé pour un traitement approprié, plutôt que de tenter un auto-traitement. Il appelle également la population du centre Kasaï à faire preuve de vigilance face à cette maladie, soulignant que la trypanosomiase est bien présente en Afrique et que la sensibilisation est essentielle pour prévenir sa propagation.

En conclusion, il exhorte les personnes ressentant des symptômes tels que des maux de tête, une fièvre généralisée, et des ganglions lymphatiques enflés à se faire dépister. Un diagnostic précoce est crucial pour suivre un traitement efficace et éviter les complications graves liées à la maladie du sommeil.

Le docteur Prosper Tshiakushiya rappelle que la maladie du sommeil n’est pas à prendre à la légère et qu’une vigilance collective est nécessaire pour lutter contre cette affection parasitaire.

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